La défense anti-missile balistique [en]
L’OTAN développe depuis plusieurs années un programme de défense anti-missile balistique (DAMB). Initialement destiné à protéger ses forces lorsqu’elles sont déployées sur un théâtre d’opération, le programme a évolué, sur décision des Alliés à Lisbonne en 2010, vers le développement d’un système chargé d’assurer la couverture totale et la protection de l’ensemble des populations, du territoire et des forces des pays européens de l’OTAN.
Après la déclaration d’une capacité intérimaire de défense anti-missile balistique et l’adoption d’un cadre précis pour le développement du système de défense anti-missile balistique de l’OTAN au sommet de Chicago en 2012, les Chefs d’État et de gouvernement ont déclaré la capacité opérationnelle initiale du système au sommet de Varsovie, en juillet 2016. Consécutivement, la capacité anti-missile balistique de l’OTAN fut déclarée permanente sur la base du transfert à l’OTAN d’un site d’intercepteurs en Roumanie. Les Chefs d’État et de gouvernement ont en outre confirmé la nécessité de poursuivre les travaux pour développer l’intégralité du système vers la capacité opérationnelle complète. Le prochain jalon majeur avant cela consacrera une capacité opérationnelle renforcée qui matérialisera notamment des avancées significatives en matière de système de commandement et de contrôle.
La défense anti-missile balistique de théâtre
Plusieurs années avant la décision de développer une défense anti-missile balistique de territoire, l’OTAN a développé un programme de défense anti-missile balistique destiné à protéger ses forces lorsqu’elles sont déployées sur un théâtre d’opération. Il s’agit du programme de défense multicouche active contre les missiles balistiques de théâtre (ALTBMD).
Le projet de défense anti-missile balistique de territoire
En 2009, les États-Unis ont proposé que l’OTAN se dote d’une capacité propre de défense anti-missile balistique des populations, du territoire et des forces des pays européens de l’OTAN. Après avoir abandonné le projet de bouclier anti-missile de l’administration Bush, l’administration Obama a promu une « approche adaptative phasée » (EPAA) en vue d’assurer la protection des territoires européen et américain contre les missiles balistiques.
Dans ce contexte, les Chefs d’État et de gouvernement des pays de l’Alliance ont décidé, au Sommet de Lisbonne en 2010, que « l’Alliance développerait une capacité de défense anti-missile balistique pour accomplir sa tâche fondamentale de défense collective », en élargissant les capacités existantes de défense anti-missile balistique de théâtre. Il a été décidé que la mise en place de cette capacité de défense anti-missile balistique de l’OTAN se ferait « sur la base des principes de l’indivisibilité de la sécurité des Alliés et de la solidarité au sein de l’OTAN, du partage équitable des risques et des charges, ainsi que de la demande raisonnable, compte tenu du niveau de la menace, de la soutenabilité financière et de la faisabilité technique, et en fonction des dernières évaluations communes de la menace agréées par l’Alliance. »
Ce système a pour but d’assurer « la couverture totale et la protection de l’ensemble des populations, du territoire et des forces des pays européens de l’OTAN contre la menace croissante que représente la prolifération des missiles balistiques ».
En termes capacitaires, le programme de défense anti-missile balistique de l’OTAN consiste d’une part à développer un système de commandement et de contrôle (C2) de l’Alliance en intégrant des fonctionnalités propres à la défense anti-missile balistique dans les systèmes de planification, de conduite et de communications existants au sein de l’Alliance, et d’autre part à intégrer, sur la base du volontariat, les capacités apportées par les nations concernant les senseurs (radars, satellites) et les effecteurs (missiles intercepteurs).
Le Sommet de Chicago : une nouvelle étape pour le système de défense antimissile de l’OTAN, un cadre réaffirmé et précisé
Lors du Sommet de Chicago, l’Alliance a franchi une étape en déclarant une capacité intérimaire de défense anti-missile balistique de territoire. Cette capacité intérimaire constituait une première étape, de portée limitée, de mise en œuvre opérationnelle de la défense anti-missile balistique. Elle offrait aux pays du sud-est de l’Europe une couverture contre une attaque de missiles balistiques, dans la limite des moyens disponibles, américains pour l’essentiel à ce stade.
La France a pleinement soutenu le développement d’une capacité de défense anti-missile balistique de territoire, dans le respect de certaines conditions. Nous avons ainsi demandé et obtenu à Chicago qu’un cadre précis soit fixé par les Alliés, sur plusieurs points en particulier :
- le développement du système de défense anti-missile balistique de l’OTAN doit être fondé sur une évaluation régulière de la menace et adapté en fonction de l’évolution de celle-ci ; le communiqué de Chicago précise ainsi que « si les efforts internationaux devaient permettre de réduire les menaces qu’engendre la prolifération des missiles balistiques, la défense anti-missile de l’OTAN pourra être adaptée en conséquence, et elle le sera » ;
- la défense anti-missile balistique de l’OTAN est complémentaire de la dissuasion nucléaire, mais elle ne peut s’y substituer ;
- l’OTAN doit se doter d’une capacité propre de défense anti-missile balistique pour permettre à tous les pays alliés d’exercer leur contrôle politique sur cette capacité ;
- les coûts de la mise en place de la défense anti-missile balistique doivent être maîtrisés : seuls les systèmes de commandement et de contrôle seront admissibles au financement commun. Les autres contributions (radars et missiles intercepteurs) sont volontaires et seront financées à titre national ;
- un dialogue doit être engagé avec les États-tiers, en particulier ceux qui pourraient être affectés par les opérations de défense anti-missile balistique de l’OTAN (en cas d’interception au-dessus de leur territoire, par exemple). Une coopération devait en particulier être recherchée avec la Russie.
C’est dans ce cadre que les travaux de mise en œuvre d’une défense anti-missile balistique de territoire se poursuivent.
Le Sommet de Varsovie : déclaration de la capacité opérationnelle initiale et consécration d’une mission permanente
Les Chefs d’État et de gouvernement ont déclaré, en juillet 2016 lors du Sommet de Varsovie, la capacité opérationnelle initiale du système de défense anti-missile balistique de territoire de l’Alliance.
Cette étape importante consacre des progrès substantiels dans le développement du système :
En termes de contrôle politique, les Alliés ont adopté un cadre et des procédures cohérentes avec une mission permanente, au travers du plan de défense permanent pour la défense aérienne et anti-missile intégrée. Les prérogatives du Conseil mais aussi les prérogatives déléguées par les nations aux différentes autorités militaires y sont décrites. Un tel document est essentiel pour assurer le contrôle politique sur une mission qui par essence ne permet pas de contrôle politique des nations lors de sa phase d’exécution, compte tenu des délais d’interception très courts.
En termes opérationnels, les procédures du plan de défense permanent ont été validées au cours de l’exercice Steadfast Alliance tenu au printemps 2016 auquel des forces françaises participaient. L’architecture du système C2 a également été validée.
La déclaration d’une capacité permanente a été permise par la mise en service d’un site d’intercepteurs situé sur la base roumaine de Deveselu, permettant une couverture continue du sud-est de l’Alliance, complété autant que de besoin et en fonction de l’état de la menace par des frégates anti-missile Aegis. La mise en service de ce site est conforme à l’EPAA des États-Unis. L’autorité sur ce site a été transférée par les États-Unis à l’OTAN de manière concomitante à la déclaration de l’IOC.
De nombreux Alliés, comme la France, ont également fait état de capacités nationales pouvant être mises à disposition de l’Alliance dans le cadre de missions de défense anti-missile balistique de théâtre.
Il est prévu au titre de l’EPAA, et pour sa dernière phase de mise en oeuvre, qu’un second site d’intercepteurs soit mis en service à Redzikowo en Pologne à l’horizon 2020 pour renforcer la couverture du territoire de l’Alliance.
Le prochain jalon majeur, dont la date n’est pas encore arrêtée, consacrera une capacité opérationnelle renforcée, notamment au travers d’avancées en matière de système de commandement et de contrôle.
Pour aller plus loin : Voir le site de l’OTAN sur la défense antimissile